Les déserteurs de Dieu. Un livre de chez Grasset
Voici un extrait des "Déserteur de Dieu; des éditions :Grasset
On les appelle les « sortants vers la question », ces hommes et ces femmes issus des milieux utra-orthodoxes israéliens qui, un jour, décident de rejoindre la vie laïque. Ce choix douloureux les plonge dans un univers inconnu où ils sont coupés de leur famille, souvent sans ressources et sans éducation autre que religieuse. Là d’où ils viennent, la vie est réglée de façon précise et immuable, soumise à une loi implacable mais rassurante. Là où ils vont, ils sont seuls face à eux-mêmes.
Chapitre premier(extrait)
Au sein d’une association d’aide aux sortants, à Jérusalem, Florence Heymann a rencontré beaucoup de ces déserteurs. Elle restitue leurs cheminements chaotiques à travers des portraits intimes et attachants : des dissidents, des « apostats sortis du placard », des suicidaires, des marginaux, des « kippas roses », des voyous… Autant d’individus réclamant simplement le droit de choisir leur vie, loin de leur monde religieux d’origine, ultra sectaire, dans lequel même le sexe et le téléphone sont estampillés cashers. Parfois réussies, parfois tragiques, ces sorties du « ghetto » sont toujours un voyage fascinant, un apprentissage de la liberté semé d’embûches et de doutes.
Un travail totalement inédit qui nous donne à découvrir le monde fermé des ultra-religieux et les parcours poignants d’êtres en quête de leur vérité. Comment allais-je repérer les dissidents de l’ultra-orthodoxie ? Comment arriver jusqu’à eux ? Aurais-je un langage suffisamment commun pour qu’ils se confient à moi ? Je m’étais vite rendu compte qu’il ne serait pas aisé d’entreprendre un terrain anthropologique dans un groupe qui ne constituait pas réellement une communauté et ne présentait pas de modèles institutionnalisés. C’est alors que je décidai de prendre contact avec l’une des ONG qui s’occupent de les recueillir et de les aider dans leur nouvelle vie. J’avais le choix entre les deux principales, Dror ou Hillel, aux buts assez semblables. J’optai pour cette dernière, parce qu’elle m’avait semblé, de loin, la plus importante et la plus dynamique.
À la différence des dizaines d’institutions de retour à la religion en Israël, il n’existe que trois associations d’aide à ceux qui sortent du monde religieux et Hillel est la première d’entre elles, fondée en 1991 par Tami et Miki Cohen, de l’organisation Tehila, mouvement laïc israélien pour le judaïsme humaniste. Shai Horovitz, le troisième fondateur, a fait, ironie de l’histoire, un retour à la religion et a même créé une association antagonique, Manof. Celle-ci est un centre de connaissance du judaïsme, qui tente de combattre la présentation négative du monde ultra-orthodoxe dans les médias. La deuxième est l’association Dror. Enfin, en 2012, un sortant, Moshe Shenfeld, a fondé sa propre organisation, « Sortants pour le changement » (iotzim le shinoui), en commençant comme groupe Facebook.
Je lui parle de moi, de mon parcours. Ne me dévoilai-je pas un peu trop, essayant de convaincre mon interlocutrice que je suis « the right woman in the right place » ? Noga m’explique que dans tout le pays, l’association s’occupe de cinq cents sortants, la moitié à Jérusalem, ce qui représente un accroissement significatif par rapport aux années précédentes. En 2012, il y a eu cinquante-six nouveaux cas, uniquement à Jérusalem, en 2013, près du double et les perspectives de 2014 continuent à la hausse. Hillel soutient les sortants principalement de deux manières : en les accompagnant et en leur offrant des bourses d’études