En tenue d'ève,Delphine Horvilleur,Rabbin
Les discours religieux fondamentalistes actuels expriment une obsession croissante de la pudeur des femmes. Réduite aux parties de son corps susceptibles d’éveiller le désir, la femme est « génitalisée » à outrance. Faut-il alors couvrir sa nudité ? Faut-il la renvoyer à son destin : le voilement ?
Delphine Horvilleur analyse successivement les sens de la pudeur et de la nudité, l'obsession du corps de la femme et sa représentation comme "être orificiel" pour proposer une autre interprétation de la tradition religieuse. Elle met à mal les lectures qui font de la femme un être tentateur, et de la pudeur l'instrument de sa domintation. Ainsi nous montre-t-elle comment la nudité recouverte d'Adam, d'Eve ou de Noé, renvoie à une culture du désir et non à une volonté de le tuer. Comment le voile est à l'origine destiné, non à rejeter, mais à approcher l'autre. Comment le féminin concerne aussi les hommes qui endossent, dans la prière et la pratique judaïques, les attributs des femmes et du maternel. On découvre alors, dans cette plongée au cœur des grands monothéismes, un autre visage de la femme, de la pudeur, et de la religion. source:édition grasset
EXTRAIT : source Grasset
l’œuvre dans le monde religieux ultra-orthodoxe : l’exclusion croissante des femmes de nombreux espaces publics. La presse israélienne conceptualise alors, par le terme inédit de Hadarat Nashim (exclusion des femmes), cette tentative de les tenir éloignées de sphères publiques ou d’espaces collectifs.
Dans certains quartiers ultra-orthodoxes du pays, se multiplient les pancartes en pleine rue pour inciter à une séparation physique entre hommes et femmes. « Femme : ne t’attarde pas ici ! », « change de trottoir ! ». Le parlement, le gouvernement, et les Israéliens dans leur immense majorité crient au scandale. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le président de l’Etat, Shimon Pérès, dénoncent fermement ces dérives : pas question qu’un petit groupe extrémiste ne menace les fondements égalitaires et les valeurs libérales de la société israélienne.
Pourtant, à Jérusalem, les visages des femmes disparaissent de nombreuses affiches publicitaires de la ville, sous la pression exercée par les communautés ultra-orthodoxes. En image ou en chair et en os, les femmes s’éclipsent, invitées à s’éloigner pour ne pas gêner les hommes. Cet effacement est toujours exigé au nom d’une valeur religieuse, appelée en hébreu tsniout, ou « modestie ».
La tsniout est un concept religieux qui prescrit à l’origine le comportement à suivre afin d’éviter toute situation de promiscuité, de se préserver de toute débauche, et de maintenir une attitude humble et discrète en toute circonstance.
Tel que décrit dans la littérature traditionnelle juive, il concerne en principe autant les hommes que les femmes. Dans l’expérience quotidienne, cette « modestie » appelle la femme seule à la retenue et à la distance. La recherche d’une modestie masculine semble, en tout cas, ne pas faire l’objet des mêmes assiduités que celle des femmes. Sur Internet fleurit ainsi, depuis des années, un marché du vêtement pudique pour femmes pratiquantes, tandis que publicités etarticles de presse garantissent l’épanouissement social, voire sexuel, pour le couple qui observe les principes de la modestie. Un site juif de conseil conjugal l’affirme : « Nulle sexualité ne peut être satisfaisante à tous les niveaux si les notions de sainteté et de pudeur ne sont pas respectée